Thomas B du YCPL a participé à la mise au point du bateau de l’America Cup ORACLE

20150918_155459Coupe de l’America 2017

Voir la vidéo:https://www.youtube.com/watch?v=v_IZSHc7Zb4&feature=em-subs_digest

Comme lors de la 34ieme édition à San Francisco, la prochaine coupe se déroulera sur des catamarans volants.

 Elle aura lieu aux Bermudes en 2017 avec en préambule les America’s Cup World Series (ACWS) en 2015 et 2016 comprenant 3 week-end de régate en 2015 (le dernier aura lieu le 3 week-end du 16-18octobre aux Bermudes) et 3 autres week-end de régate en 2016.

En 2017, se dérouleront alors les « Qualifiers » dont sortiront les 4 meilleurs challengers, puis les « Play-Off » qui détermineront le challenger officiel qui affrontera en duel, toujours en 2017, le defender américain de la coupe, Oracle Team USA.20150912_080034

Concernant le bateau, la finale de la précédente édition a vu s’affronter des catamarans de 72 pieds, à aile rigide, à foil, qui atteignaient régulièrement plus de 40kts. Afin de diminuer les coûts de participation, la finale de la prochaine édition va se dérouler sur des catas de 50 pieds tandis que les régates préliminaires se courent sur des 45 pieds. Petite subtilité, les catas actuellement en course dans les World Series sont des AC45F. Il s’agit d’une version monotype, un peu plus simple par rapport à l’AC45S (on lit aussi T dans les articles) qui lui, sert de bateau de développement pour le futur AC50 des phases finales.

Ayant travaillé 3 semaines chez le defender, je vous propose un petit aperçu de l’ambiance chez Oracle et de l’AC45S.

  Tout d’abord la coupe se déroulant en 2017 aux Bermudes, Oracle a installé sa base sur place, tout au bout de l’île au Royal Naval Dockyard. Cette pointe constitue une des extrémités du Great Sound, baie où se dérouleront les régates.

Bureau d’études, voilerie, salles de debriefing video, et salle de sports occupent un ancien bâtiment du Dockyard , le reste de la base se trouve directement sur les quais sous forme d’un énorme Lego de containers maritimes aménagés en atelier de câblage, composite, usinages mécaniques, menuiserie, bureau, cantine etc …qui ont simplement été déplacés depuis la dernière coupe à San Francisco.

L’énergie sur la base est palpable, et sous un aspect relax, ça bosse dur, week end compris. L’objectif est clair, garder la coupe !20150917_183237

Dirigée par Grant Simmer, l’équipe est en gros constituée du bureau d’études, des navigants et  du shore team dont les membres, mêmes s’ils ne naviguent pas sont également souvent  des marins pros du circuit TP52, ou des maxis  dont Comanche et Wild Oat. Les voir gréer un AC45 en moins de temps qu’un simple Laser est un spectacle incroyable…

Côté bureau d’étude, des personnalités en tout genre, architectes naval connus (Scott Ferguson et Paul Bieker), aérodynamiciens de renom, et cocorico un compatriote méditerranéen, Dimitri Despierres, au design de l’aile et ce depuis l’aile géante de BMW Oracle à Valence.

Enfin, chez les navigants, des stars comme le skipper James Spithill, 2 coupes à son palmarès, le tacticien Tom Slingsby, 5 fois champion du monde et champion olympique de laser, et beaucoup de jeunes comme Kyle Langford régleur de grande voile, qui n’a que 25 ans, tout cela sous le coaching de Philippe Presti comme à la précédente édition.

Les journées commencent en généralement par du sport à 6h30 … puis petit déjeuner collectif à la base à 7h30 et à 8h au boulot.

 Courant septembre, le shore team était concentré sur la finition du second AC45S afin d’avoir deux bateaux pour des entrainements communs.

Les navigants de leur côtés soit préparent leur sortie sur l’AC45 soit s’entrainent en moth à foil (Mach2). L’intérêt de ce dernier, en plus de l’entrainement physique, est d’habituer les marins à tout faire plus vite comme le nécessitent les AC45, réglages, observation du plan d’eau, tactique, évaluation de la trajectoire pour les croisements, tout se passe en accéléré, imaginons ce que doit être l’approche à plus de 30kts de la bouée sous le vent, entourés de catas volants remplis de fous furieux…sans parler de la dangerosité intrinsèque de ces bateaux.20150918_155502

Sur un plan technique, il faut être clair, les AC45S ainsi que les AC50 de la finale sont et seront hyper sophistiqués, l’America c’est cela, toujours plus de technologie et d’innovation, et aujourd’hui paradoxalement il n’a jamais été aussi facile d’acheter et programmer pour quelques centaines d’euros des calculateurs venant la course automobile et qui vont permettre de piloter les systèmes hydrauliques du bateau….

L’hydraulique est justement l’élément central de ces nouveaux bateaux. Sur l’AC45S aujourd’hui, il ne reste qu’un winch dédié à l’écoute (en direct) de l’aile. Tout le reste est actionné par des vérins hydrauliques : écoute de foc autovireur, courbure de l’aile, vrillage de l’aile, montée/descente des foils, réglage de leur incidence (basculement avant/arrière), réglage de leur angle latéral, réglage de l’incidence des safrans qui sont articulés à leur point de fixation bas et basculent globalement (pas de volet mobile sur le petit plan porteur).

Toute l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’hydraulique sera au final entièrement fournie par les wincheurs sur les moulins à café qui peuvent au choix être embrayés soit sur le winch soit sur les pompes servant à remettre en pression les réservoirs hydrauliques. J’ai essayé (sans succès évidement) de fournir sur le banc d’essai la puissance demandée à un wincheur, c’est infernal et on comprend mieux l’importance de leur préparation physique.

Le gros intérêt de l’hydraulique est de pouvoir fournir de manière quasi instantanée une énorme quantité d’énergie dans les manœuvres et de leur permettre d’étaler leur effort de recharge pendant la course (ils ont en plus des tâches de régleurs). Même si le bateau est léger, moins de 3 tonnes), quand on voit la taille du vérin servant à monter/descendre le foil (il est si encombrant qu’il est placé à l’horizontale dans les coques, entre les pieds des marins, on imagine bien les puissances mises en jeu. Autres petits bijoux d’ingénierie mécanique, le système articulé sur 3 axes, d’orientation des foils, et surtout un incroyable mécanisme basculant, que l’on peut regarder des heures sans comprendre la cinématique, à base de rails et de vérins qui est placé dans le bas de l’aile gère le vrillage par torsion des 3 volets de bord de fuite (solidaires entre eux afin d’avoir une chute continue) ainsi que la cambrure générale du profil et les inversions lors du changement d’amure.

Concernant la partie sustentation, il est intéressant de noter que contrairement à un planeur ou un avion, le foil principal et le plan horizontal sous le safran sont tous les deux porteurs, avec donc un centre de gravité qui doit rester entre les deux et un besoin de réglage quasi permanent en fonction des variations de vitesse. Le réglage de l’incidence du foil est fait par le barreur via deux boutons placés sur la petite barre à roue, tandis que celui du safran et à la charge d’un équipier. Autre point intéressant, le safran au vent qui doit rester immergé est conjugué en opposition avec celui sous le vent afin d’être déporteur et apporter une importante force de contre gîte… quand ce safran sort de l’eau, le régleur de l’aile doit réagir vite … Enfin côté performances, lors des sessions de navigations auquel j’ai assisté, pour 13-14kts de vent le bateau dépassait allègrement les 30kts … La vitesse au portant est tellement élevé que le redressement du vent apparent donne un angle d’environ 20°, soit à peine 5° de plus qu’au près…Dès une dizaine de nœuds, le bateau décolle et l’accélération est alors immédiate. Il faut bien les 1200CV du bateau suiveur pour le rattraper rapidement.

 En ce moment les efforts de développement portent essentiellement sur les foils qui sont le principal axe d’amélioration de la vitesse maximum, mais il s’agit d’un compromis complexe entre capacité à faire décoller le bateau au plus tôt, stabilité, et vitesse maximale atteignable. Petit avantage amusant des Bermudes, l’eau transparente permet de filmer les foils immergés ce qui constitue un avantage pour leur mise au point.

En conclusion, bien qu’il y ait toujours quelques grincheux sur l’hyper technicité, les budgets mis en jeux etc… cette édition de la coupe va être incroyable, surtout avec des bateaux moins grands et moins chers qui permettent à 5 challengers d’être en course, dont une équipe Française et dont le nouvel objectif de vitesse est encore plus élevé (50kts).

            Ajoutons à cela des techniques de diffusion d’image en réalité augmentée, la beauté du cadre de course aux Bermudes et une liberté « contrôlée » d’adaptation des bateaux par les concurrents : possibilité de modification des systèmes, des foils, des volets mobiles de l’aile, on peut s’attendre à une compétition réellement passionnantes, dont l’issue est loin d’être écrite à l’avance tant le nombre de paramètres en jeu est grand. Une chose par contre est certaine, sans être devin pour le résultat final, Oracle a le couteau entre les dents, un moral d’acier et la bataille promet d’être énorme !

Voir ce reportage VIDEO     https://www.youtube.com/watch?v=sQXhJpuw0Vk&feature=em-subs_digest-g

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